31 Octobre 2019
La Plante Verte
Quatrième de Couverture
Une étrange graine...
Belle surprise en ouvrant la lettre qui m’avait été expédiée de San Francisco. Au fond de l'enveloppe, une petite graine marron clair accompagnée d’une petite feuille de papier sur laquelle étaient écrits ces simples mots :
"Pour toi, de la part d'Ahiga en souvenir de notre rencontre. Soignes-là bien. Cynthia."
Cynthia... C'était déjà bien loin tout cela. Je l'avais connue lors d'un séjour en Californie, nous avions passé de bons moments ensemble et lors de mon départ, à tout hasard, je lui avais laissé mes coordonnées.
Deux années se sont écoulées, mais elle ne s'était jamais manifestée, et voilà que soudainement elle m'envoie une graine ! Peut-être lui avais-je confié mon intérêt pour les plantes vertes que je cultivais amoureusement depuis des années ? En tout cas je ne m'en souvenais pas.
Rien ne prouvait que cette simple graine puisse donner naissance à une plante verte, je veux dire du genre de celles qui poussent chez moi. J'étais perplexe.
En tout cas, cela tombait bien, nous étions mi-mars l'époque idéale pour les semis...
Extrait
Il est difficile de distinguer nettement la forme d'un objet lorsqu'on s'en approche de trop près, mais si l'on s'éloigne suffisamment on est parfois surpris de s'apercevoir qu'il ne correspond plus à ce que l'on avait cru voir de prime abord. C'est exactement ce qu'il m'arrivait avec les racines de ma « plante ».
M'étant relevé et éloigné de quelques pas, le bloc de racines que j'avais soigneusement nettoyé, de sa terre, me semblait, je dis bien me semblait, car je n'en étais absolument pas certain, avoir la forme d'un fœtus humain. Je crus même distinguer deux petits bras terminés par des mains ainsi que deux jambes repliées sur elles-mêmes. Allons donc ! Ce n'était pas possible. Cela n'avait aucun sens. De plus, je n'étais pas dans un état très brillant depuis l'arrivée de cette graine et la fatigue accumulée pouvait peut-être déclencher chez moi une forme d'hallucination.
Je ne cherchais d'ailleurs pas à en savoir plus long sur cette étrange découverte. Je replaçais précipitamment ma plante dans son nouveau pot, tassais la terre soigneusement et l'arrosais d'eau de pluie détournée, par un ingénieux système, de la gouttière qui passait à proximité de la fenêtre de ma chambre et que je conservais précieusement dans des jerricans (Mes plantes supportant très mal le calcaire et le chlore de l'eau du robinet)
Cette nuit-là, je fis un rêve qui me prouvait à quel point j'étais troublé par ce que j'avais vu ou cru voir.
J'étais chez moi, assis confortablement dans le fauteuil du salon, un fauteuil qui m'avait bien coûté un mois de salaire, et dont je profitais chaque fois que cela était possible. Je ne faisais rien de particulier. J'étais là, presque immobile, les yeux fixés sur un point quelque part dans le paysage qu'encadrait ma fenêtre. Cependant, J'avais le sentiment que je n'étais pas vraiment chez moi. C'était confus, mais j'avais l'intuition que quelque chose clochait dans la belle ordonnance des objets qui m'entouraient et m'étaient ordinairement familiers.
C’étaient surtout mes "chères plantes vertes' qui m'inspiraient ce trouble. J'avais la quasi-certitude qu'elles m’observaient et le pire, c'est que je devinais dans ces regards posés sur moi comme un reproche informulé. Elles semblaient vouloir me faire comprendre qu'elles étaient mécontentes de mon comportement envers elles depuis que j'avais planté cette graine étrangère. Il est vrai que j'étais tellement préoccupé par ma mystérieuse plante, que j'avais un peu délaissé mes amies végétales. Plus de paroles douces, plus de caresses, plus de musique même ! J’en arrivais à oublier parfois de les arroser.
Je m'obstinais donc à fixer l'horizon par la fenêtre ouverte, n’osant regarder mes plantes comme si je craignais de découvrir quelque chose d'horrible.
En même temps, je me raisonnais mentalement me traitant de fou et de trouillard.
Quand soudain venant du fond de la pièce, j'entendis distinctement :
- Jacques, tu es un véritable salaud !
- Mais... Mais… C'est mon prénom çà !
Qui m'appelait ? Et sur quel ton !
En réalité, J'avais parfaitement reconnu la voix de Martine, une femme que j'avais connue par le passé et que j'avais fait pas mal souffrir il me faut bien l'admettre. C’étaient exactement les termes qu'elle employait lorsque nous nous disputions.
Pour le coup, je me tassais au fond de mon fauteuil, évitant soigneusement de tourner les yeux en direction de l'endroit d'où il me semblait être venue la voix.
- Jacques, tu es un lâche !
Hé... Mais c'était une autre voix à présent et venue d'une autre direction !
C'était celle de Françoise et c'était exactement ce qu'elle m'avait crié pour ne pas dire hurler, lorsque je lui avais affirmé qu'il valait mieux nous séparer.
Déjà bien enfoncé au plus profond de mon fauteuil, il ne me restait plus qu'à rentrer la tête entre les épaules et ne plus bouger.
Je ne me sentais pas fier du tout.
- Jacques, tu es ignoble ! Lança une troisième voix féminine quelque part au fond de la pièce. Là encore, je reconnu une de mes ex avec qui la relation s'était mal terminée. Nathalie, c'était son prénom.
- Jacques, tu es un incapable ! Criait à présent Hélène.
- Jacques, tu es un imbécile ! Surenchérissait Annie.
Les insultes pleuvaient de partout, et chaque fois lancées par une femme avec qui j'avais eu des démêlées...
Affolé, complètement paniqué par ce qui arrivait, je tentais de me boucher les oreilles, je fermais les yeux, recroquevillé dans mon fauteuil. J'étais terrorisé à l'idée de ce que j'allais découvrir si je me levais
C'est pourtant ce que je fis, parce que ma nature le commandait, j'étais sans doute un peu lâche, même faux jeton si cela était nécessaire, mais parfois, il m'arrivait de me comporter avec une certaine grandeur. D'autant, que cette situation ne pouvait pas durer éternellement ! Je devais en avoir le cœur net.
C'était bien ce que je craignais, elles étaient toutes là, présentes dans le salon de mon appartement, et à la place de mes plantes vertes ! Plus précisément, chacune de mes plantes, une dizaine environ, avait littéralement mutée, et pris l'aspect d'une femme. Le plus étrange, c'est qu'elles étaient nues et avaient la peau légèrement verdâtre.